Conseils : les erreurs d'éducation à éviter avec un chiot

Le magazine des AS (et de l'UCFAS) - 1er semestre 2018, N°3

Pour cette première interview qui parait dans notre AS'Mag, j’ai souhaité vous présenter Nadine Chastang, éducatrice canin, pour vous parler d’un sujet important à mes yeux, « les erreurs à ne pas commettre avec son chiot », que l’on rencontre souvent en tant qu’éleveur et plu encore en tant qu’éducateur. Un bon départ est capital dans les premières semaines et les premiers mois car c’est à ce moment que vous tisserez un lien pour les années à venir.
Isabelle ROBBA :

Nadine Chastang, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre formation et de votre parcours ?

Nadine CHASTANG :

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai eu plusieurs chiens et tout c’est bien passé jusqu’au jour où un chien m’a ouvert les yeux. Avec lui, rien ne fonctionnait comme les autres. Après différentes recherches, j’ai rencontré Mr Escafre qui m’a permis de découvrir et d’approfondir la culture canine. Mr Escafre était un ancien militaire (maître-chien) et avait créé un club canin où il s’intéressait principalement aux chiens à gros problèmes. Son approche a évolué de 1971 à 2009. Dédé m’a formé pendant 9 années. J’ai commencé par créer un club en Lozère puis me suis installée en tant que professionnelle en 2011. Depuis, j’aide les propriétaires à observer leur chien et à s’adapter à ce qu’ils nous montrent. Je travaille à la fois sur les chiens et sur les humains. Il est important de prendre en compte notre gestuelle, principal langage que le chien comprend. Très souvent les humains se contredisent entre le gestuel et le verbal, c’est un véritable problème dans la communication homme-chien.
J’ai participé à l’élaboration du livre « Penser son éducation autrement » écrit par André Escafre. Et pour la 3ème année consécutive, je suis intervenante au BP éducateur canin de Bougainville.

Isabelle ROBBA :

Je vais vous exposer quelques situations que les propriétaires rencontrent parfois et les « conseils » qu’ils pourraient entendre… On « entend » souvent dire qu’il faut punir le chiot en le prenant et en le secouant par la peau du cou. Qu’en est-il ?

Nadine CHASTANG :

Les personnes qui conseillent cela expliquent souvent que c’est ainsi que la maman punit le chiot. Or, c’est faux ! Le fait de prendre un chiot par la peau du cou représente pour lui une mise à mort. Essayer de vous mettre à sa place… qu’allez-vous représenter pour le chiot ?

Isabelle ROBBA :

« Le chiot est arrivé depuis quelques temps et il n’est toujours pas propre. Faut-il lui mettre le nez dans son pipi et le gronder pour qu’il comprenne ? »

Nadine CHASTANG :

Non, absolument pas… Quand vous mettez la tête de votre chiot dans son pipi, il ne comprend pas ce que vous attendez de lui. Il voit juste que vous le brutalisez, que vous criez, bref que vous n’êtes pas content, c’est tout. Mais il n’a pas compris pourquoi vous étiez en colère. Vous devenez une personne instable pour lui… En lui mettant le nez dans son pipi, vous aggravez le problème voire vous en déclenchez de nouveaux.
C’est normal qu’un chiot ne soit pas propre au départ, ses sphincters ne sont pas encore matures. Il va falloir un peu de patience. Il faut surtout le sortir dès qu’il se réveille, qu’il a fini de manger ou boire. Lorsque vous le voyez tourner, il faut lui proposer de sortir, bref presque toutes les deux heures au début. Puis lorsque les besoins sont faits dehors, il faut bien le féliciter, ne pas avoir peur de paraitre un peu « gaga »…

Isabelle ROBBA :

A partir de quel âge peut-on sortir un chiot ? Doit-on attendre le rappel de vaccin à 3 mois ?

Nadine CHASTANG :

Un chiot avant l’âge des 3 mois s’habitue beaucoup plus vite à des situations nouvelles à condition que cela se passe dans de bonnes conditions. Plus les sorties seront précoces, plus le chiot va s’habituer à tout ce qui l’entoure. Après l’âge de 3 mois, on a davantage le risque que le chiot considère la nouveauté comme dangereuse. Comme il n’aura pas encore eu toutes les vaccinations, il faudra bien évidemment choisir des lieux de balades adaptées, privilégier des endroits où il n’y a pas de regroupements de chiens, mais favoriser les rencontres de chiens que l’on connait.

Isabelle ROBBA :

J’entends souvent les gens dire : « On m’a dit que mon chiot avait fort caractère, je dois le soumettre en le retournant sur le dos » qu’en pensez-vous ?

Nadine CHASTANG :

Cela s’appelle l’alpha roll. Le processus est basé sur le système de dominance. Or il n’y a pas de dominance inter espèces. Vous n’êtes pas le dominant de votre chiot, vous êtes plutôt son guide, son humain… David Mech et Raymond Coppinger ont revu leurs études : ils ont bien précisé que leurs premières recherches avaient été réalisées sur des loups en captivité, et qu’en liberté cela ne se passait pas du tout comme ils l’avaient observé auparavant. Cela reviendrait à étudier et généraliser le comportement humain en observant celui de prisonniers. Votre chiot ne peut pas avoir confiance en vous si vous le retournez sur le dos. S »il veut se faire gratter le ventre, il se mettra sur le dos tout seul.

Isabelle ROBBA :

Une situation souvent vue « Mon chiot est content de me voir quand je rentre, il me fait la fête en me sautant dessus. Est-ce que je dois en retour lui montrer à ce moment-là que je suis heureux de le voir aussi en le frictionnant vivement ? »

Nadine CHASTANG :

Pensez toujours à ce que vous accepterez plus tard de votre chien. Si cela ne vous dérange pas qu’il saute lorsqu’il sera adulte, vous pouvez lui faire la fête. Mais si, lorsqu’il aura sa taille adulte, cela vous posera problème, il faut mettre en place les bonnes bases tout de suite. Sinon, le chien ne comprendra pas pourquoi vous interdisez subitement quelque chose que vous tolériez avant.
Attention aux caresses qui frictionnent, cela ne plait pas à tous les chiens, de plus ces caresses peuvent les exciter. Voulez-vous avoir un chien excité ? Il faut toujours garder en tête ce que l’on est en train d’engendrer avec les comportements que l’on incite ou qu’on laisse installer.

Isabelle ROBBA :

« Quand le chiot pleure beaucoup la nuit depuis son arrivée récente. Je dois tenir bon et continuer à le faire rester seul dans une pièce ?

Nadine CHASTANG :

Le chiot vient de quitter sa fratrie et sa maman, il n’a plus de repère. Il est préférable de l’aider à passer cette étape. Vous pouvez soit dormir au salon avec lui, soit lui mettre un panier dans votre chambre que vous éloignerez petit à petit si vous ne souhaitez pas qu’il y dorme plus grand.

Isabelle ROBBA :

« Quand je balade mon chiot, je lui interdis les contacts avec les chiens que l’on croise car j’ai peur pour lui. Je fais pareil avec les autres animaux (chats, chevaux, etc…)

Nadine CHASTANG :

Sociabiliser signifie à la fois habituer le chien à vivre dans l’environnement qui sera le sien (qu’il soit urbain ou rural), à interagir sainement avec ses congénères (apprendre à communiquer) avec les humains et autres espèces animales qu’il sera amené à rencontrer. Un chien doit nécessairement débuter sa socialisation dès son arrivée chez le propriétaire.
Continuer d’apprendre à communiquer avec ses congénères est primordial pour un chien, animal social par excellence. Ainsi, un chiot devrait être rapidement mis en contact avec des adultes calmes et équilibrés, sachant mesurer leurs réponses et ne pas entrainer le chiot dans l’excitation. Ne pas placer le chiot avec d’autres chiots sans adultes en nombre suffisant : cette configuration permettrait à coup sûr le développement de jeux incontrôlés que le chiot continuerait à reproduire avec ses congénères une fois adulte. Cela serait tout l’inverse de ce que l’on souhaite lui apprendre !

Isabelle ROBBA :

« Le chiot est trop craquant quand il dort, c’est le bon moment pour des petits câlins et des papouilles ? »

Nadine CHASTANG :

Le repos est indispensable tant au chiot qu’au chien adulte, pour son bien-être physique et psychologique. Il faut donc le respecter. Un chiot dort plus de 20 heures par jour. Vous éviterez des problèmes de comportement dès lors qu’il dormira suffisamment. Souvent par manque de sommeil, un chiot devient excitable puis excité, et là les dérives peuvent commencer.

Isabelle ROBBA :

On me rapporte souvent : « Mon chiot est toujours partant pour toutes sortes d’activités et pour faire de grandes balades, alors je lui propose beaucoup d’activités au court de la journée et surtout plusieurs grandes balades par jour avec des jeux » que diriez-vous ?

Nadine CHASTANG :

Attention, le chiot a besoin de découvrir tout ce qui va l’entourer dans sa vie future mais cela doit se faire étape par étape. Il ne faut pas trop le faire marcher (ni sauter, ni courir). Les articulations du chiot n’ont pas fini de se former. Pour prévenir tout problème articulaire, on peut se baser sur la règle de 5 mn par mois de vie. Par exemple, quand votre chiot a 3 mois, vous pouvez faire une balade de 15 min. Par contre vous pouvez faire 2 à 3 sorties et la renouveler 2 à 3 fois par jour en marchant doucement. Le chiot a besoin d’explorer, pas de jouer.

Isabelle ROBBA :

« Le chiot ne marche pas au pied correctement, même si je le ramène souvent avec sa laisse courte « au pied ». Que conseillerez-vous Nadine ? »

Nadine CHASTANG :

Chaque chose en son temps. Pour avoir un bon équilibre psychologique, le chiot a besoin d’explorer. Ce n’est pas en laisse courte qu’il va pouvoir le faire. Il est important de comprendre que, systématiquement, c’est le propriétaire qui apprend au chien à tirer, en récompensant positivement la traction du chien. Si mon chien tire, il est au contraire absolument nécessaire de ne pas avancer avec lui, car dès lors le chien comprend que tirer permet de parvenir à ce dont il a envie. Il reproduira donc ce comportement pour continuer à avancer.
Si l’on tire avec la laisse, on apprend au chien le « réflexe d’opposition » qui consiste à résister contre la pression exercée (ne serait-ce que pour garder l’équilibre), et donc à tirer.
La marche en laisse est bien différente de la marche au pied, qui est un exercice d’obéissance en aucun cas adapté à un chiot. Le but, communément admis, de la marche en laisse est simplement que le chien puisse évoluer sans tirer.
La longueur de la laisse est également un facteur d’échec courant. Le chien doit pouvoir avancer à son rythme (une foulée de chien n’est pas équivalente à celle d’un humain, à vitesse équivalente) et doit pouvoir prendre les odeurs à gauche et à droite du chemin (le chien ne conserve jamais une trajectoire linéaire). Il faut donc que la laisse soit suffisamment longue pour permettre au chien de se mouvoir confortablement.

Isabelle ROBBA :

« Un dernier conseil pour nos lecteurs, Nadine, quel matériel préférer pour un chiot ? »

Nadine CHASTANG :

J’évite les laisses achetées en commerce car elles sont trop courtes. Pour les jeunes chiots, je conseille des longes de 10 mètres, ou 5 mètres pour aller en ville. Cela ne veut pas dire qu’ils ont la longueur maximum tout le temps, elle sera adaptée en fonction des situations qui se présenteront.

Isabelle ROBBA :

Merci Nadine pour cette interview, pour votre disponibilité et pour tous ces bons conseils, qui seront très utiles à nos lecteurs pour un bon départ avec un chiot !